Des Palestiniens se rappellent la Catastrophe
parallèle à la création d'Israël
Votre jour de l'Indépendance est notre catastrophe
: sous ce mot d'ordre, des milliers de Palestiniens d'Israël ont pris part mardi à une marche annuelle dans les ruines de villages dont les habitants arabes ont été chassés en 1948, lors de la guerre ayant accompagné la création d'Israël.
Un épisode qu'ils appellent la Nakba, la catastrophe
, alors que mardi marquait le jour d'anniversaire de la création de l'État d'Israël, le 14 mai 1948.
Agitant des drapeaux palestiniens, keffieh autour du cou ou de la tête, des hommes et des femmes se sont rassemblés dans les villages détruits d'al-Kassayer et d'al-Husha, à une quinzaine de kilomètres de Haïfa, dans le nord d'Israël.
Certains portent des pancartes avec les noms de dizaines de villages disparus d'où leurs familles ont été expulsées. Une banderole proclame nous resterons tant qu'il restera du thym et des oliviers
.
Parmi les marcheurs, Abdul Rahman al-Sabah, 88 ans, raconte à l'AFP comment des membres de la Haganah, organisation paramilitaire des juifs de Palestine qui luttait contre la puissance mandataire britannique et sera le noyau de la future armée israélienne, a contraint, quand il était enfant, sa famille à quitter al-Kassayer vers la ville voisine de Shefa Amr.
Pendant un temps, j'avais l'habitude de revenir me faufiler avec ma mère dans le village pour y récupérer des matelas et des objets de la maison
, mais ensuite ils ont fait exploser (...) al-Kassayer et (...) al-Husha, afin que nous ne puissions pas revenir et ils ont posé des mines
, dit-il, des larmes dans les yeux, une photo en noir et blanc de ses parents à la main.
Mais nous avons continué (à y revenir), ma mère et moi et des gens du village, parce que c'était la saison des récoltes et nous voulions vivre et manger
, poursuit-il.
Durant la Nakba, environ 760 000 Arabes de Palestine ont fui ou ont été chassés de chez eux pour se réfugier dans ce qui allait devenir à l'issue de la guerre de 1948-49 la Cisjordanie et la bande de Gaza, ou vers les pays voisins (Liban, Syrie, Jordanie et Égypte), selon l'ONU.
Les quelque 160 000 qui sont restés dans ce qui est devenu Israël sont devenus des citoyens arabes israéliens
, selon l'appellation en usage en Israël, mais une majorité d'entre eux se définit comme Palestiniens. Les membres de la minorité arabe représentent plus de 21 % de la population, selon les derniers chiffres officiels israéliens, et se plaignent de longue date de discriminations, notamment à l'emploi.
Nombre d'entre eux restent profondément attachés à leurs terres ancestrales.
Entre le vote de l'ONU entérinant la création d'un État d'Israël en novembre 1947 et sa proclamation officielle, une guerre civile voit s'affronter sur le territoire de Palestine milices arabes et juives.
Des affrontements féroces ont lieu autour d'al-Husha et al-Kassayer mi-avril 1948, selon les historiens.
Durant l'attaque contre al-Husha, mon père est parti avec ma mère sur un âne vers Shefa-Amr
, raconte Musa al-Saghir, 75 ans, expliquant que de nombreux habitants du village étaient des descendants d'Algériens ayant immigré à la fin du XIXe siècle et que ses aïeux étaient originaires de Constantine.
Quand ils sont revenus, les forces de la Haganah avaient fait sauter le village et ses maisons
, explique ce militant qui se bat pour le droit au retour des déplacés, ajoutant que le village abrite des vestiges, dont des tombes creusées dans la roche.
Les kibboutz d'Usha, Ramat-Yohanan et de Kfar Hamakabi, fondés dans les années 1930, s'étendent aujourd'hui sur des terres des anciens villages d'al-Husha et al-Kassayer.
Cette année, les slogans parlent aussi de la guerre meurtrière en cours depuis plus de sept mois dans la bande de Gaza, déclenchée par l'attaque sanglante menée le 7 octobre par le Hamas palestinien dans le sud d'Israël.
Gaza ne s'agenouillera pas devant les chars et les canons
, Liberté, liberté, pour Gaza
, non à la famine, non à la démolition, non au déplacement
, ont scandé les manifestants, derrière une banderole proclamant: Arrêtez la guerre maintenant
, en arabe, en anglais et en hébreu.
Agence France-Presse