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Le chiffre 60 suivi d'un signe de pourcentage. Une main vient chercher le 6 et un jeune s'arrache les cheveux de la tête.

La deuxième chance de Tristan, surpris à plagier ChatGPT

Que faire de ces étudiants qui plagient ChatGPT? Une professeure de philosophie du Cégep de Victoriaville a mené sa propre expérience en donnant une deuxième chance à ceux qui avaient triché. Est-ce que les étudiants pincés ont appris leur leçon?

Zéro. C’est la note qu’a reçue Tristan pour son travail dans le cadre du cours Philosophie et rationalité. La raison? Utilisation illégitime de ChatGPT. « Oui, j’ai eu ma leçon, mais en même temps je dirais que j'ai aussi eu une chance », philosophe-t-il.

L’étudiant au Cégep de Victoriaville se considère comme chanceux. À l’instar d’une dizaine de ses collègues, il a été pris à plagier un texte généré par ChatGPT pour un travail qui valait 20 % de la session. Sauf que plutôt qu’un zéro, c’est une main tendue qu’il a reçue. Je me suis souvenue que j’ai déjà eu 17 ans et que je n’ai pas été exactement une élève très, très modèle, se remémore, en riant, la professeure de philosophie au Cégep de Victoriaville, Noémie Verhoef.

On aperçoit sur la photo le jeune étudiant de 18 ans, dans une classe, qui pose pour la photo.

Tristan regrette d'avoir utilisé ChatGPT pour écrire un résumé d'article scientifique à sa place. « J'ai eu ma leçon, mais j'ai surtout eu une deuxième chance », dit-il.

Photo : Radio-Canada

Je dirais même que Tristan est probablement un meilleur élève que moi à 17 ans.

Une citation de Noémie Verhoef, professeure de philosophie au Cégep de Victoriaville

Étudiant en première année au programme des sciences de la nature, c’est vrai que Tristan prend ses études au sérieux. D'habitude, je suis un élève quand même assez à mon affaire. Je participe en classe, je ne manque pas vraiment d’heures de cours à moins que ce soit le hockey qui m’empêche de participer et j’ai quand même de bonnes notes dans la plupart des matières, raconte le jeune athlète.

Sauf qu’il a flanché quand est venu le temps de remettre son travail de philosophie. Il a lui-même écrit sa dissertation, mais pas le résumé d’un article scientifique qui lui a été demandé. J’ai mal géré mon temps, avoue-t-il.

Et Tristan a préféré prendre un raccourci plutôt que de remettre son travail en retard.

Je me doutais qu’il allait y avoir des répercussions si j'abusais de l'intelligence artificielle.

Une citation de Tristan, étudiant au Cégep de Victoriaville
Un jeune qui fait des devoirs.

À 18 ans, Tristan est un jeune de son temps : il n'hésite pas à utiliser ChatGPT pour l'aider dans ses études. «C'est beaucoup pour répondre à des questions en chimie ou en bio, mais jamais pour faire des travaux à ma place», dit-il.

Photo : Radio-Canada

Après le zéro, la rédemption

Cette répercussion a d’abord pris la forme d’un zéro. Puis, l’offre de la rédemption est arrivée. J'ai écrit un message à tous, puis je leur ai dit : "si vous venez me voir d'ici les 24 h ou si vous m'écrivez un courriel pour dénoncer telle ou telle utilisation [illégitime de ChatGPT], je vais vous donner la possibilité de refaire un travail pour une note maximale de 60 %", résume l’enseignante.

Des 11 élèves ayant commis un plagiat, cinq se sont autodénoncés en avouant avoir pris un raccourci avec ChatGPT. La plupart, cependant, ont attendu de voir leur note pour contacter l’enseignante. Tristan est de ce nombre. Je n’avais pas vu le message, se défend-il. Quand il a vu sa note de zéro, il a immédiatement compris ce qui s’était passé. Et comme tous les autres, il a pris rendez-vous avec sa professeure pour se faire confirmer ce qu’il craignait au départ.

L'enseignante de philosophie s'est servie du fait qu'une dizaine de ses étudiants avaient copié des textes générés par ChatGPT pour les faire réfléchir sur le plagiat. On la voit ici assise, avec un léger sourire, dans une classe.

L'enseignante de philosophie s'est servie du fait qu'une dizaine de ses étudiants avaient copié des textes générés par ChatGPT pour les faire réfléchir sur le plagiat.

Photo : Radio-Canada

Faute avouée à demi pardonnée

Ce n’est pas par pure compassion que Noémie Verhoef a donné une deuxième chance à ses étudiants. La décision a été mûrement réfléchie, même si elle a d’abord été déçue, voire fâchée, de constater que c’est plus d’un élève sur 10 qui a utilisé ChatGPT à mauvais escient.

Je gère d’abord mes émotions et par la suite, je me demande : "Bon, qu'est-ce qu'on fait avec ça?"

Une citation de Noémie Verhoef, professeure de philosophie au Cégep de Victoriaville
Une photo de l'extérieur du Cégep de Victoriaville et de son pavillon principal. Il s'agit d'un ancien collège.

Le Cégep de Victoriaville est en voie de mettre à jour sa politique de gestion du plagiat. Dès l'an prochain, une formation obligatoire sur l'intégrité de la propriété intellectuelle sera donnée à tous les nouveaux élèves.

Photo : Radio-Canada

La politique du Cégep de Victoriaville est claire et drastique sur la question du plagiat. Ça entraîne la note de 0 pour le travail en question, poursuit-elle.

Parallèlement, elle se dit que les apprentissages qu’un étudiant peut faire ne sont pas tous inscrits dans un devis ministériel. Peut-être y a-t-il ici matière à réfléchir. Je suis devant des élèves qui sont soit à leur première ou à leur deuxième session au Cégep. Ils n’ont jamais eu de cours de philosophie auparavant. Ils n’ont jamais fait une recherche documentaire. Je leur demande quand même des choses qui peuvent être inusitées ou anxiogènes, analyse-t-elle.

Il y a également le fait que l’intelligence artificielle est un nouvel élément qui n’est pas encore inscrit concrètement dans la politique de gestion du plagiat de l’établissement.

Une professeure écrit une phrase sur un tableau blanc dans une classe.

La vision de Noémie Verhoef s'inscrit dans la même direction que le rapport publié jeudi par le Conseil supérieur de l’éducation et la Commission de l’éthique en science et en technologie. Ils présentent 20 recommandations pour encadrer l'utilisation de l'intelligence artificielle dans les collèges et les universités du Québec.

Photo : Radio-Canada

Avec l’accord de la direction des études du Cégep, Noémie Verhoef demande aux étudiants fautifs de refaire une dissertation en répondant à la question - fort à propos - suivante : Les enseignantes et enseignants du collégial devraient-ils se limiter à des examens en classe sur papier pour éviter les risques liés à l'utilisation de l'intelligence artificielle générative?

Peu importe les arguments, la note maximale obtenue ne pouvait être que de 60 %. Je pense qu'il faut quand même sanctionner. C'était très clair que ce n’était pas une utilisation légitime du travail, soutient la professeure.

La leçon semble avoir été retenue

La frustration passée, elle considère que l’expérience a été concluante. Je n’ai aucun élève qui a abandonné le cours, qui a arrêté de venir au cours à la suite de ça. Ils ont tous refait la problématisation philosophique sur la question qui était un peu embarrassante quand même. Je les ai forcés à réfléchir sur les conséquences de leurs actions, rapporte Noémie Verhoef.

Ils sont de retour en classe, puis ils participent bien. Leur attitude, même, pour certains, s'est améliorée. Je vois qu’ils ont peut-être un petit peu plus de respect pour la discipline et pour l'importance de bien réfléchir aux conséquences de nos actions.

Une citation de Noémie Verhoef, professeure de philosophie au Cégep de Victoriaville

Des deuxièmes chances à redéfinir

Est-ce à dire qu’il y aura toujours des deuxièmes chances dans la classe de Noémie Verhoef? C’est sûr que l’effet de surprise n’est plus là, répond en riant la principale intéressée. Surtout si on passe au Téléjournal pour dire : "Ah, si je te pogne, tu vas avoir 60 %!"

Comme une mise à jour de la politique de gestion du plagiat est en cours au Cégep de Victoriaville, l’enseignante se sentira plus légitime d’intervenir lorsque les règles auront été éclaircies pour inclure les cas liés à l’intelligence artificielle.

Une femme devant une salle de classe d'un cégep.

La directrice adjointe des études du Cégep de Victoriaville, Mariannick Paris, trouve « brillante » l'initiative de Noémie Verhoef, qui est tout à fait « cohérente » avec la mise à jour en cours de leur politique de gestion du plagiat.

Photo : Radio-Canada

On veut mettre des règles plus claires, oui, mais on veut aussi beaucoup travailler sur l'éducation à l'intégrité intellectuelle auprès de notre population étudiante. On ne veut pas être juste en mode punitif, mais vraiment en mode éducatif, explique la directrice adjointe des études du Cégep de Victoriaville, Mariannick Paris.

Et qu’est-ce que la direction des études a pensé de l’initiative de Noémie Verhoef? On trouve ça brillant! Ça va en ligne droite avec l'intention d'éduquer à la propriété intellectuelle qu'on a au Cégep et on salue la réflexion pédagogique de qualité qu’il y a derrière une telle initiative, résume-t-elle.

Pour l’enseignante, l’expérience lui a rappelé que le cégep est aussi, pour les jeunes, le moment d’explorer… Et d’apprendre.

Notre objectif, ultimement, ce n'est pas que les gens apprennent par cœur les dates de naissance et de mort de Platon et Aristote. C'est de faire des citoyens qui sont capables d'utiliser leur esprit critique pour eux et pour la société.

Une citation de Noémie Verhoef, professeure de philosophie au Cégep de Victoriaville

À ce jour, un seul des étudiants accusés d’avoir commis un plagiat nie toujours avoir copié ChatGPT, mais il n’a toujours pas contesté sa note. Quant à Tristan, il assure qu’il a eu sa leçon. Je ne compte pas réutiliser ChatGPT pour faire les travaux à ma place, assure-t-il.

L’ironie dans toute cette histoire? Le résumé de l’article scientifique qu’a finalement écrit Tristan était sans doute meilleur que la version générée par l'intelligence artificielle.

Une prof parle à un étudiant.

« C'est sûr que je me dis que dans cinq ans, Tristan ne se souviendra pas de son cours de philo, mais il va se souvenir de l'intelligence artificielle », s'exclame, en riant, Noémie Verhoef.

Photo : Radio-Canada

ChatGPT et Copilot : qu'en pensent les étudiants?

La plupart des étudiants croisés au Cégep de Victoriaville ont admis utiliser ChatGPT ou Copilot, un autre logiciel d’intelligence artificielle, à des fins pédagogiques. Tristan a l’habitude de poser des questions au logiciel en lien avec la matière à étudier. C’est plus simple, plus rapide que Google, dit-il. Il est loin d’être le seul. Copilot, des fois, ça nous arrive de l’utiliser pour les labs de chimie [...]. C’est super pédagogique et c’est vraiment bon pour ça, renchérit Laurence Guérard, étudiante en sciences de la nature.

Est-ce que les étudiants entendent parler entre eux de cas de plagiat avec l’intelligence artificielle? Tous les jours! On en entend tout le temps. C’est récurrent, beaucoup d’élèves le font, répond sa collègue Mali Vallières. Est-ce que la solution est de revenir aux travaux et aux examens faits en classe avec un papier et un crayon? Pour la plupart des étudiants rencontrés, la réponse est non. Parce que ça ne permet pas de réfléchir en profondeur à un sujet… Et parce qu’il y a toujours moyen de contourner les règles, selon eux.

Illustration de l'entête par Sophie Leclerc

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