En milieu rural, seuls les cours privés perpétuent l’enseignement du piano
Jusqu’à dimanche se tient la 84e édition du Festival de musique Porcupine. Une occasion pour la jeunesse de Timmins de démontrer son talent musical devant des juges.
Line Fogal dirige une des élèves pendant un de ses cours privés.
Photo : Radio-Canada / Jimmy Chabot
En 2024, toutes les inscriptions dans les volets classiques du Festival de musique Porcupine, qui se déroule cette année du 17 au 28 avril, proviennent d'enseignantes privées. Sans leur dévouement, la pratique du piano chez la jeunesse serait sur le respirateur artificiel.
C’est la seule façon de faire perpétuer la musique dans des villes qui sont isolées des grands centres. Sinon, il n’y aurait pas de musique classique
, se désole la soprano native de Timmins Mélanie Boisvert depuis sa demeure à La Rochelle, en France.
Depuis son exil de Timmins, Mélanie Boisvert fait la tournée des opéras de la France.
Photo : Marc Larcher
À l’école, on enseigne la plupart du temps la flûte à bec, le ukulélé, les instruments à bois ou même à cuivre
, ajoute Carla Command-Desmarais, qui a longtemps dirigé la fanfare de l’école intermédiaire R. Ross Beattie à Timmins dans laquelle se trouvait Preston Pablo, la nouvelle sensation de la musique canadienne.
Dans les grandes villes, on a beaucoup de professeurs privés encore, mais il y a beaucoup d’écoles de musique, il y a des conservatoires, des écoles privées de musique, mais pas dans les petites villes du Nord
, nous raconte Mélanie Boivert.
Ça ne peut passer que par l’enseignement privé qui continue à amener de l’enseignement aux enfants, aux adolescents
, croit-elle.
Des cours en ligne de piano, non merci
Samuel Généreux compte sur les enseignements d'une enseignante passionnée
qui le motive à se dépasser
.
La pandémie l’a forcé à suivre des cours en ligne avec son institutrice, mais son expérience l’a laissé amer.
Entre septembre et avril, Line Fogal reçoit quotidiennement ses élèves pour leur transmettre son savoir du piano.
Photo : Radio-Canada / Jimmy Chabot
C’était un petit plus difficile que d’être en personne, car elle dit quoi jouer. Elle ne peut pas vraiment te montrer, c’est pas mal différent […] Le son est différent, souvent
, avance le jeune garçon de 12 ans.
On pourrait penser que dans un endroit comme Timmins, Internet pourrait venir remplacer le cours privé de musique, en nous vendant ça comme étant moins cher, plus facile d’accès, plus flexible. Mais ce n’est pas pour tout le monde.
Entre ses spectacles dans les opéras de toute la France, Mélanie Boisvert enseigne le piano. Elle a constaté que ses élèves s'inscrivent à ses classes après avoir appris la base en ligne.
Des cours en ligne, tu n’as pas le rapport aux mains
, a-t-elle constaté.
Pour moi, ça ne remplace pas le cours en face à face [...] C’est très compliqué de se comprendre et surtout d’entendre l’élève jouer parce qu’il y a tout le temps des coupures dans le son
, lance-t-elle.
Un festival pour conclure une année d’apprentissage
Le Festival de musique Porcupine est le point culminant d’une année de préparation à apprendre comment gérer son stress ou encore maîtriser du bout des doigts une dizaine de partitions.
Je trouve que le festival aide beaucoup les élèves à avoir un but. Se préparer pour bien se présenter, être fier de leur performance. C’est sûr qu’il y a des examens [à l’école], mais tu n’as pas un auditoire à ton examen comme tu le fais
, raconte Line Fogal, la professeure de Samuel Généreux, qui a aussi enseigné à Mélanie Boisvert ses premières notes au piano.
Après sa performance en trio, Raphaëlle Généreux, la nièce de Mélanie Boisvert, reproduit les conseils partagés par le juge invité.
Photo : Radio-Canada / Jimmy Chabot
Mélanie Boisvert a participé à cet événement annuellement à partir de l'âge de 7 ans jusqu'à ses 18 ans. Elle se rappelle que le festival rythmait beaucoup la vie familiale
, car ses deux sœurs participaient aussi à l’événement.
Moi, ça a été très important parce que ça donne un but, une date limite, pour se préparer, apprendre ses morceaux par cœur et les jouer le mieux possible avec le moins de fautes possible
, s'enthousiasme-t-elle.
Pour moi, personnellement, c’est assez gratifiant de remporter des prix, de dire "j’ai travaillé fort." J’espère avoir le plus de prix possible.
Dans sa jeunesse, elle se souvient que certains de ses comparses étaient terrorisés par le stress parce que c’est quand même très formel, le festival
Pour Mélanie, sa bonne gestion du stress lui a donné plus de chance d’en faire une carrière à un niveau élevé.
Nous sommes quelques-uns de Timmins qui avons participé au festival, qui ont gagné des prix et qui ont fait carrière après. Je pense que l’enfant qui ne gère pas du tout ce stress-là. Il peut quand même devenir musicien, mais peut-être en faisant autre chose, [comme de l’enseignement], mais peut-être pas sur scène ou en concert.
Samuel Généreux et sa partenaire pour le duo écoutent les conseils partagés par le juge après leur performance.
Photo : Radio-Canada / Jimmy Chabot
En début de semaine, c'était au tour de Samuel d’emprunter la voie de sa marraine Mélanie Boisvert. Il avoue être un petit peu nerveux
avant de faire un duo avec une autre fille de son âge.
À l’image de sa tante, le jeune homme de 12 ans est décoré d’une première place et d’une note de 85 % pour son duo. La nervosité retombée, il se sent bien
concernant sa performance.
Assise derrière, son enseignante, tout sourire, est fière d’avoir peut-être semé cet amour de la musique
pour cette nouvelle génération.